09/01/2023

"Notre politique d'inclusion est portée à tous les niveaux, jusqu'à notre Comex et notre président... Et ça change tout !"

Anne-Laure Thomas - Directrice diversités, équités et inclusion France de L’Oréal

 

👉 Parcours personnel

Je m'occupe de la diversité, de l'équité et de l'inclusion pour tous les collaborateurs qui travaillent en France au sein du groupe L'Oréal. Je suis juriste à la base, spécialisée en droit privé avec tout ce qui est responsabilité civile et droit médical. J'ai commencé à travailler pour le Fonds d'indemnisation des victimes du sida, c’était mon premier job. J'ai très vite changé pour partir dans la programmation télé et l'audience télé qui était une deuxième spécialité. J'étais spécialisée dans les médias à l’ESCP, donc j'ai fait le grand écart. Je suis partie à la télé, je travaillais chez M6 et je travaillais chez TV5. Et puis chez TV5 j'avais envie d'autre chose. J'avais envie d'un rythme un peu plus intense donc je suis partie retrouver le conseil. J'ai passé presque huit ans chez KPMG dans une branche conseil média. Cette branche s’est fermée. Mais j'ai tellement aimé l'ambiance de KPMG, l'ambiance du conseil que je suis restée chez eux pour travailler un peu sur les process et de la qualité. C'est quand même pas ce que j'affectionne particulièrement. On va être honnête, mais également travaillé, tout ce qui était ouverture de concurrence. Ça, je trouvais ça très chouette. En parallèle, moi, j'avais deux enfants déjà dont mon ainé qui a une maladie génétique, et donc ça devenait compliqué d'allier vie perso, vie pro. Et puis surtout j’avais besoin d’un peu plus de temps. J'avais monté une première association qui s'appelle Autour des Winners pour faire connaître ce syndrome génétique et laisser personne dans l'isolement. Ma plus belle réussite, c'est qu'on est passé d’une naissance sur 25 000 quand Marius est né à une naissance sur 7000 au diagnostic aujourd'hui. Il n’y a pas plus d'enfants qui naissent avec ce syndrome mais on met un nom sur une différence et du coup on évite à des parents d'être tout seul. Et puis, j’étais également très engagée sur la place des femmes et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur le travail, les possibilités de faire des choix de vie. Du coup, ça devenait un petit peu difficile de rester chez KPMG, donc je suis partie à La Poste où j'ai eu pour première mission : l'ouverture de la concurrence de La Poste. Comment on transforme La Poste avec l'arrivée de Fox, comme on change le métier de facteur, comme un métier individuel, un métier collectif avec un système d'auto remplacement. Comment facturer les services qui étaient jusqu'alors gratuits ? Comment continuer à donner du sens aux postiers ? En parallèle, j’avais un petit peu de temps, donc du coup, j'ai créé les engagements citoyens du groupe La Poste au courrier. J'ai proposé à l'époque à des facteurs et factrices de partir en Afrique construire des écoles... Et mes engagements ont été reconnus. Mes engagements se sont su donc je suis partie à la Banque Postale, qui avait trois ans d'existence, qui avait des accords à négocier, donc je suis partie créer une direction diversité, égalité des chances de la Banque Postale d'abord pour les 2000 banquiers, puis pour les 25 000 postiers qui travaillaient pour les services financiers de la banque. Donc j'ai tout créé, tout ce qui était diversité, engagement des collaborateurs aussi. Et là, je me suis absentée pour avoir mon troisième enfant. Et donc là, un an de bénévolat pour pouponner c'est bien mais il fallait que je trouve d'autres choses. Jj'ai rencontré un peu par hasard le président du tribunal pour enfants de Paris, et je suis devenue assesseur au tribunal pour enfants de Paris pendant quatre ans, pendant une journée par mois. Et ça, ça m'a vraiment super inspirée. J'étais assesseur pour le 10ᵉ et le 16ᵉ arrondissement de Paris et en fait c'est hyper inspirant pour travailler notamment avec les jeunes de quartiers ou les jeunes qui commettent des délits. 

Il y a un moment où mon congé mat s’est terminé donc je suis retourné travailler. Ma DRH qui était de la Banque Postale était devenue la DRH du groupe La Poste et le président de La Banque Postale. Philippe Wahl était devenu le président de La Poste. Du coup, je les ai suivis et j'ai commencé pendant un an à travailler sur toute une formation. On venait de nommer 1 100 RH de proximité donc à l'époque Sylvie François avait besoin de quelqu'un pour les animer et créer tout ça. Donc j'ai pris ce poste. La diversité me manquait beaucoup et j'ai eu de la chance parce que Sylvie François m’avait dit j'ai une idée en tête, faites moi confiance, dès que je peux, je vous propose un poste. Et effectivement, un an après elle m’a dit qu’elle aimerait me donner les clés de la direction de la diversité et d'égalité des chances du groupe La Poste, pour les 260 000 postiers et postières avec des engagements comme de signer deux accords majoritaires sur l'égalité femmes hommes et sur le handicap, mettre en place le droit à la déconnexion, travailler sur le congé travail... que des sujets passionnants ! J’ai fait ça jusqu'à ce que je rencontre le DRH de L'Oréal et donc j'ai fait un revirement pour me retrouver chez le groupe L'Oréal pour le même poste mais avec des enjeux très différents. En parallèle, je me suis engagée dans une asso que j’adore qui s’appelle : "Tous en stage” pour les stages de troisième des jeunes des quartiers prioritaires. Et puis, j'ai pris la co-présidence de l'Association française des managers des diversités qui m'occupe beaucoup parce que c'est 7 salariés que j'ai en coprésidence et qui regroupe 156 entreprises françaises pour faire bouger les sujets de diversité, d'inclusion. Chez L'Oréal, j’y suis depuis 2017 avec six piliers prioritaires : l'égalité femme homme, tout ce qui est origine, tout ce qui est handicap, apparence physique, les générations et orientation sexuelle. 

📣 Maturité interne

J'ai de la chance chez L'Oréal parce que moi je suis arrivé il y a cinq ans. Je travaille dans une entreprise extrêmement impliquée sur l'ensemble des sujets de la diversité depuis très longtemps, notamment sur le handicap, sur l'égalité et la place des femmes, mais aussi sur les origines vu que c’est un groupe international, donc j'avais tout un travail qui était fait. C'est vrai qu'on voit qu’on ne s'improvise pas sur la diversité. Il faut du temps pour mettre en place les politiques. Et donc j'ai pu mettre un coup d'accélérateur avec ma touche personnelle. Mais j'étais dans un groupe qui était déjà très impliqué et une vraie maturité sur ces sujets. J'ai même envie d'aller plus loin. On est vraiment sur une politique d'inclusion. C'est porté à tous les niveaux. C'est porté au plus haut niveau de l'entreprise, au plus haut niveau de L'Oréal : du Comex, au niveau de notre président aussi. Et ça change tout. Donc l'ensemble de mes collaborateurs sont extrêmement impliqués et j'ai envie de dire ça fait un peu de fierté, d'appartenance. On est heureux de travailler dans un groupe impliqué. 

🧠 Organisation opérationnelle

On n'est pas des grosses équipes. C'est compliqué chez L'Oréal, parce que je suis sur un groupe international dont le siège est en France, dans le pays France. Je pense que c'est très complexe, je vais essayer de simplifier. Je dépend des RH, je travaille beaucoup en transverse, donc je travaille côté RH, mais je travaille aussi avec nos marques, je travaille avec nos consommateurs donc ça c'est vraiment super. 

Chez L’Oréal il n’y a que des petites équipes partout. La diversité, c'est être vraiment extrêmement agile. Mais par contre j'ai un truc incroyable qu'ils ont créé il y a 20 ans qui s’appellent les acteurs des diversités. Et moi je suis hyper fière de ça. Ce sont des groupes de collaborateurs donc moi j'ai la diversité France et je travaille beaucoup avec la diversité monde qui coordonne les pays. Nous on impulse, j'aime bien être un peu le laboratoire : pousser des idées qui fonctionnent en France et le proposer dans d'autres pays. En France, j'ai des relais. On a ce qu'on appelle des campus, c'est nos différents sièges sociaux : Clichy, Levallois, Saint-Ouen… Partout, j'ai des correspondants partout j’impulse ma stratégie.Et j'ai aussi des acteurs de diversité. Là, ce sont des collaborateurs qui sont bénévoles, qui, en plus de leur temps de travail, travaillent pour la diversité et l'inclusion. 

📚 Le rôle de la formation 

La formation c'est juste essentiel, sans formation, on n'avance pas. Moi, je suis très pour la tolérance zéro. Mais on peut être à la tolérance zéro uniquement si les gens sont formés et sensibilisés. Donc chaque collaborateur qui rentre au sein du groupe L’Oréal est formé. On appelle ça des ateliers des diversités et l'ensemble des collaborateurs sont formés au moins une journée à la diversité, à l'inclusion, mais plus particulièrement qui sont formés à nos valeurs. Et puis là, on peut dire : Tolérance zéro, après on fait pleins de formations spécifiques avec des e-learning, des formations au présentiel, on forme tous nos recruteurs, nos managers. Il y a des formations de diversité, des formations inclusion, des formations aux stéréotypes, aux biais. Et puis, j'ai voulu vraiment former sur des formations plus spécifiques, comme sur le sexisme, pour éradiquer le sexisme, sur le handicap. Donc, j'ai envie de dire qu'il faut sans cesse se former. 

🚀 Enjeux 2022

On a signé le 10 mars dernier 10 engagements pour valoriser la place des plus de 50 ans en entreprise. J'ai rajouté ça, mais dans nos sujets : toujours l'égalité femme homme, le handicap… Il faut toujours libérer la parole, Il faut constamment travailler sur les sujets pour les faire avancer. 

🏆 Fiertés et succès

Il y en a plusieurs mais il y en a une qui m'a particulièrement plu sur le handicap invisible. Parce que 85 % des handicaps sont invisibles. En fait, on a fait un talk handicap en présence du Comex, en présence de la ministre où des collaborateurs en situation de handicap invisible, ont témoigné devant leurs collègues sous format TedX, 100 personnes en présentiel, on était le 9 décembre, c'était très compliqué avec les règles Covid avec plus de 800 personnes connectées, rassemblé plus de 900 personnes en TedX exclusivement sur le handicap invisible. C'est incroyable. J'ai une collaboratrice qui a parlé du diabète, une de sa maladie de Crohn, une de son accident de ski, un papa qui a accompagné sa petite fille de cinq ans, qui est aujourd'hui en rémission mais qui se sont battus toute la famille pour aider Olivia à vaincre son cancer. Et qu'est ce que c'est qu'être un papa aidant dans l'entreprise et en fait ça à libérer la parole. On peut encore aller un cran plus loin, mais ça l’a libérée dans le sens ou après ça on a eu des tas de témoignages que mon frère, ma sœur, mon mari est en situation de handicap et ça fait du bien. On n'est pas obligé d'en parler, mais quand on en a besoin cela fait du bien.

J'ai eu une autre initiative que j'ai beaucoup aimé, j'ai lancé des concours de pitchs parce que, comme on a tous été séparés avec les confinements, j'ai lancé des concours de pitch. Pitcher vos projets D&I qui rassemble des gens qui ne se connaissaient pas sur des sites différents pour travailler à un projet. Le projet gagnant, gagne un petit budget de 5 000 € pour mettre en œuvre son projet et donc j'ai eu plein de sujets sur l'apparence physique, le handicap, les générations… et c’est un projet sur l'apparence physique qui a gagné. Et donc, hier, on a réalisé leur projet. Je ne peux pas tout dévoiler mais sur l'apparence physique et sur comment on ne colle pas une étiquette aux gens en les voyant, apprendre à les connaître et surtout à faire attention aux compétences. 

😨 Le piège à éviter

Moi je n’aime pas la discrimination positive pour plusieurs raisons. Il faut recruter les gens parce qu'ils ont les compétences, si on le fait pour d'autres raisons, la personne ne va pas être à sa place et l'intégration va être mauvaise. Ça va être un échec pour la personne et pour l'entreprise. J'ai envie de dire qu'avant tout, pour la personne, il faut faire attention. Moi, je n'aime pas la discrimination positive. Je pense qu'il faut vraiment être sur des compétences.

💬 Citation inspirante

Le matin c’est une d'André Gide que j'ai vu il y a pas longtemps du tout que j’ai trouvée super. “Il y a bien des choses qui paraissent impossibles tant qu’on ne les a pas tenté."