"Le défi est de faire bouger les lignes en ayant peu de moyens dédiés."

Sarah Deslandes, administratrice territoriale et haut fonctionnaire dans les collectivités territoriales, Mairie de Chambéry

 

👉 Votre Parcours

Je suis administratrice territoriale et haut fonctionnaire dans les collectivités territoriales. 

Quand je préparais les concours administratifs, j'ai fait un stage qui a été extrêmement formateur et même fondateur à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il y avait des grandes campagnes de communication dans le métro sur le fait que discriminer, en fait c'était se priver aussi d'un potentiel de développement économique pour les entreprises… 

A la sortie de l'Institut National des Etudes Territoriales, j’étais employé à la ville et l'agglomération d’Amien. Je m'occupais de la démocratie locale et de la vie associative.

J’ai ensuite  travaillé dans les ressources humaines où on a eu l'occasion d'accompagner le déploiement de politiques d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. 

Enfin, je suis depuis quelques mois directrice générale adjointe de la ville de Chambéry, chargée des ressources, de l'innovation, de la communication et de l'inclusion. Je pilote au sein de l'administration, le déploiement d'une politique d'acculturation des services en faveur de la ville inclusive. 

 

🏆 Maturité inclusion

Alors c'est un niveau de maturité avancé. On a des élus extrêmement investis sur ces sujets-là et surtout, ils y croient. 

Ce qu'on fait sur cette politique d'inclusion, il faut vraiment être habité par la conviction que la politique d'égalité se déploie au quotidien dans l'ensemble des politiques publiques. Cela peut être aussi de la communication uniquement.. 

Alors, il faut être clair, l'inclusion passe toujours par de la communication, c'est-à-dire qu'il y a toujours un volet dans une politique de vie active et d'inclusion qui est précisément de la communication. On ne peut pas faire autrement. 

L'enjeu, c'est d’acculturer les gens et de faire évoluer les mentalités et les pratiques donc forcément, ça passe par la communication. Mais ça passe aussi par des actions très concrètes en fait, où on fait évoluer concrètement sur le terrain, les pratiques des gens. 

Donc nous avons par exemple mis en place des démarches exploratoires avec des exemples, sur un public spécifique : un public de femmes où les techniciens, les élus et un groupe de femmes vont arpenter une partie du territoire et dire ce qui fait obstacle, ce qui est compliqué pour elles en terme de sécurité, de cheminement. Ce qu’elles considèrent comme des “difficultés” dans les espaces publics, l'éclairage etc. 

En faisant ce travail de balade ensemble, on fait évoluer finalement la manière dont les élus perçoivent l'espace public, la manière dont les techniciens conçoivent l'espace public. On est sur un niveau de maturité, de maîtrise des dispositifs assez important et évidemment le chemin est encore très, très long. Mais il y a des choses très intéressantes qui sont mises en place.

 

🧠 Organisation oppérationnelle

Il y a deux postes de chargés de mission qui sont rattachés directement à moi et on a également un budget de quelques dizaines de milliers d'euros. 

Afin de réunir les budgets nécessaires, nous candidatons auprès du fond pour l'égalité professionnelle de la fonction publique qui a été ouvert aux projets des collectivités territoriales 

Notre objectif est d’acculturer l'administration, et travailler ensemble avec les services pour faire évoluer les pratiques et les mentalités. 

C'est une petite équipe qui finalement à vocation à s’autodétruire une fois que tout le monde est acculturé, que c'est rentré dans les pratiques .

 

📚 Place de la formation

Nous avons déjà fait deux sessions de formation à destination des agents sur l'égalité femmes hommes. 

La formation, c'est un volet très important de la conduite du changement au sein de la direction des ressources humaines. Nous avons un service de formation et un service social aussi qui est très investi sur ce sujet là et qui s'est complètement emparé de la thématique. 

 

📱 E Learning, présentiel ?

Jusqu’à présent nous ne faisions que du distanciel. Nous sommes dans une commune et il y a une forte dimension de proximité. 

Je pense que dans d'autres collectivités territoriales où tous les agents sont éparpillés, il y a plus de formations digitales qui sont déployées. Mais nous, étant sur un territoire restreint, naturellement nous n’avons pas encore le réflexe distanciel pour la formation.

 

💪 Thématiques 2022

Notre enjeu, c'est de pouvoir aller sur tous les critères de discrimination, donc il y a aussi l'orientation sexuelle, l'appartenance religieuse et tout ce qui va relever de l'origine ethnique. 

En revanche, comme je le disais, nous avons des moyens limités et si nous mettons en place des actions, c’est afin d’avoir des résultats. Donc, la porte d'entrée privilégiée, c'est l'égalité femmes hommes aussi parce qu'elle est dotée d'un grand nombre d'outils et on peut avoir pas mal de financement. Mais ensuite, effectivement, il y aura tout type d'approche, tous les critères de discrimination qui seront abordés. 

 

🚀 Défis 2022

Le défi est de faire bouger les lignes en ayant peu de moyens dédiés.

Dans la fonction publique, nous souffrons des coupes budgétaires qui ont été effectuées depuis un certain temps maintenant. Nous avons peu de moyens humains et financiers à dédier à ce sujet là, donc cela nécessite d'être inventif, de proposer des formules qui soient assez frugales. 

L’autre défi est plus culturel. On travaille des sujets compliqués, c'est-à-dire faire évoluer les préjugés, les mentalités, cela prend du temps, c'est un travail de longue haleine et les gens ne changent pas d'avis, de vision du monde comme ça en claquant des doigts. Il faut donc conserver cette motivation, cette force de persuasion. Il faut croire que les choses peuvent bouger, évoluer.

 

👫 Réseau ambassadeurs

Oui, on a un réseau de référents femmes hommes aux seins des services, qui sont de différents grades, qui ne sont pas tous encadrants, qui sont parfois des agents de terrain, qui sont des hommes et des femmes. 

Ils ont eu une formation particulière, plus poussée sur l'égalité entre les femmes et les hommes sont souvent intéressés par le sujet et donc sont animés par la mission ville inclusive qui organise régulièrement des temps d'échanges de pratiques. 

Ces gens là sontidentifiés par leurs collègues et peuvent être référents lorsqu’il y a des difficultés, des situations de suspicion de discrimination. Ils sont aussi une ressource car ils ont souvent des connaissances poussées sur le sujet, ce qui permet un échange libre et instructif.

Ce réseau d'ambassadeur était un enjeu important pour nous car encore une fois, c'est une manière de pallier les moyens limités qui sont dédiés au sujet de l'organisation.

 

📣 Initiatives en interne 

Quand vous avez 500 agents qui s'inscrivent à une formation sur les violences sexistes et sexuelles, c'est une fierté, c'est assez rare dans les collectivités d'avoir un réel succès, de pouvoir toucher autant de gens et je trouve que c'est super.

Après, il y a aussi tous les petits détails, quand il y a une perception qui a évolué et une lecture genrée de certaines situations. On sait que c'est réussi ! 

 

😨 Piège à éviter

Parfois, on se trompe dans la manière de faire les choses. Je pense qu'il faut prendre le temps et ne pas braquer. Donc je pense qu'il faut se garder des discours moralisateur, des postures un peu surplombantes. Sur ces sujets-là, ça ne fonctionne pas, mais il y a tout de même une tentation de le faire. Il faut l’éviter

Et puis, un peu comme je le disais au démarrage, il y a un volet communication qui est très important, mais qui ne doit pas être unique. Il faut pouvoir inventer des dispositifs pour faire changer les pratiques des outils et services. 

 

💬 Citation inspirante 

“Ceux qui pensent que c'est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient "

Sur des sujets de changement, de pratiques je pense que c'est assez juste.