23/01/2023

"Le grand défi, c'est la sensibilisation aux biais ! Nous sommes tous victimes de nos biais inconscients, donc nous avons toujours naturellement tendance à recruter et à promouvoir nos semblables !"

Renata Spada - Group Vice President Talent Acquisition Diversity Equity & Inclusion chez Engie 

 

👉 Présentation

Je suis en charge de l'acquisition des talents, de la diversité, de l'équité et de l’inclusion. Dans mes responsabilités, il y a aussi la stratégie d'acquisition des talents, mais aussi toutes les relations académiques et les relations avec les techniciens. C'est une cible majeure pour nous. Il y a aussi un pôle de parcours jeunes dans l'entreprise et tout ce qui concerne la diversité. Et en plus, on crée un programme qui s'appelle fifty/fifty qui a été notre première grande démarche vis à vis d'une diversité avec une stratégie de diversité plus globale.

 

👀 Parcours personnel

Je suis brésilienne. D’abord, j’ai fait des études de droit et je suis devenue avocate au Brésil. Après, j'ai commencé ma vie professionnelle dans la fiscalité chez PwC (PricewaterhouseCoopers), puis après être passé chez Lafarge, j’ai rejoint EDF au Brésil. A mes débuts chez EDF, je m'occupais de la fiscalité d'un groupe d'entreprises au Brésil et puis, je suis passée à la finance. En parallèle de MBA en finance, j'ai été invité à rejoindre EDF en France en tant qu'expatriée dans les contrôles de gestion. Ensuite, j’ai eu une opportunité dans les ressources humaines pour une entreprise métallurgique américaine, SNA Europe , qui créait le siège en France. Ils voulaient un RH qui comprenait la finance, donc c'était un beau mariage. Après onze ans dans la fonction RH, j’ai rejoint Engie en 2018. D'abord, en tant que directrice du développement des talents pour les hauts potentiels , puis après des projets globaux comme Fifty fifty pour la féminisation des cadres d'Engie, j'ai été nommée récemment D&I du groupe. Et je m'occupe aussi de l'acquisition des talents parce que cela va de pair pour nous.

 

🚀 Maturité interne

Nous avions, depuis des années, des actions qui étaient très focalisées sur la France et des actions qui étaient plutôt un développement social. Donc c'était plutôt un département qui était plutôt un département des compliance. C'était pour faire face à des contraintes légales, pas plus que ça. Et aujourd'hui ce qu’on vérifie c’est que nous avons un programme ou un projet d'entreprise qui est très ambitieux : d'arriver à la transition énergétique. Et nous avons besoin de tous les talents. Et même si le groupe est déjà un groupe qui est assez diversifié parce que nous sommes présents dans plusieurs pays, parce que nous englobons plusieurs strat. Nous sommes un groupe diversifié. Donc c'était à travers justement des programmes de féminisation et le Programme pour la diversité des genres que nous avons mis en place que nous avons commencé à faire émerger les débats sur la diversité en général. On faisait déjà des choses au moins au niveau de la France, il y avait déjà des choses instaurées. Et ce n'était pas le cas au niveau mondial. Et donc l'idée maintenant, c'est vraiment de créer des orientations au niveau mondial.

 

🧠 Organisation opérationnelle

Pour nous, la diversité, l'inclusion, c'est un sujet de l'entreprise. Ce n'est pas qu’un sujet RH. Tout le monde doit le porter.  Pour ma part, je suis rattachée à la DRH groupe.  Je gère une équipe de 20 personnes, pas seulement pour la diversité et l'inclusion, mais également pour la partie acquisition des talents. Nous estimons que c'est une fonction transversale, donc dans tous nos services, il doit avoir cette préoccupation et des actions pour la diversité et l'inclusion. Nous avons un budget, à la fois pour la direction des talents, mais également pour la  diversité et l'inclusion. 

Nous avons créé des programmes de développement pour tous les collaborateurs, avec notamment un parcours d'une heure avec des interactions qui expliquent les basiques de la diversité et inclusion : “Quels sont les biais cognitifs qui peuvent nous empêcher de construire une société inclusive ?”. Ces programmes concernent tous les niveaux: employés, managers et top leaders. Et après, nous avons construit aussi des programmes de développement personnel pour les femmes et pour les hommes autour de l’inclusion, pour qu'ils changent leur façon de gérer une équipe, pour qu’ils changent leur façon de traiter leurs collègues, et ce afin que l’inclusion soit présente partout. 

On a une feuille de route avec six piliers. Dans ces piliers, il y a des actions pour chaque étape de la vie d'un salarié dans l'entreprise :  de l’attraction au recrutement, en passant par l’onboarding, la mobilité, le développement, et jusqu'au départ. 

Le premier pilier, c'est la gouvernance de notre projet : il faut qu'il y ait de l'exemplarité et que les sponsors viennent d’en haut. Cela s’est traduit par un travail pour embarquer le top management afin qu’ils s’emparent du sujet de la diversité. Nous avons travaillé sur des instruments de mesure, un tableau de bord avec quelques indicateurs pour suivre l'avancement. Parmi les indicateurs, il y a par exemple le nombre des femmes dans l'entreprise. 

Le deuxième pilier, c’est des actions de sensibilisation. Nous avons multiplié les nombre des masterclass de la diversité et de l’inclusion partout dans l'organisation. Ce que l’on a fait pour le top management, on l'a fait pour l'ensemble des salariés.

Le troisième pilier, c’est  les diagnostics, que nous sommes encore en train de déployer. Nous avons fait un partenariat avec une agence de certification en D&I. Cette agence nous aide à faire un audit du degré d’inclusion de chaque périmètre. On analyse les chiffres, on analyse les politiques RH et nous analysons la perception de la population sur les politiques qui sont mises en place. Parfois, on a des politiques qui sont inclusives, mais qui ne sont pas du tout appliquées. il reste alors des efforts à faire.

Le quatrième pilier, c'était revoir nos règles pour les rendre possibles. Une fois qu'on a fait les diagnostics, on a vu qu'il y a des choses qui ne facilitent pas l'inclusion. Il faut donc revoir les règles de travail flexibles, les règles par rapport aux femmes, la question de paternité et de maternité, la question de l'égalité salariale… tous ces leviers sur lesquels il faut agir dans l'organisation pour la rendre inclusive. 

Le cinquième pilier, c’est le développement. Comme évoqué, on a créé cinq grands programmes de développement que l’on déploie désormais partout. Pour nous le développement c’est la base de la transformation culturelle, 

Le sixième pilier, c'est impacter la société civile. On ne peut pas faire tous ces changements seulement en interne. Il faut qu'on travaille aussi en externe pour créer le vivier de talents, pour faire bouger les lignes dans d’autres environnements, pour que ce qu’on fait en interne soit durable.

 

📣 Les thématiques abordées

Aujourd'hui, nous sommes justement en train d'élaborer une stratégie globale pour les D&I. Comme je vous l'ai dit, on a commencé avec l’égalité des genres. C'est notre premier axe prioritaire et ça va continuer. Et actuellement, je suis en train de bâtir une stratégie à propos des autres thématiques.

Par exemple pour la thématique LGBTQI+, on a déjà créé une communauté mondiale, et les actions commencent à avoir un impact global. Avec cette communauté, on travaille avec tous les employés, les groupes pour installer une inclusion de cette population, pour qu'ils se sentent à l’aise de pouvoir contribuer sans être discriminés. Pour cette population, on ne va pas travailler sur la représentativité, on travaille sur l'inclusion. On ne va pas installer des quotas aujourd'hui, ce n’est pas prévu. On parle au niveau global. C'est une démarche que je mène pour pouvoir découvrir quelles sont les tendances dans chaque pays. 

Pour la question du handicap, c'est là où l’on va travailler la représentativité et on va travailler la non-discrimination. Cela va être défini par la loi de chaque pays. On n'aura pas une politique globale de représentativité des personnes en situation de handicap. Par contre, on va faire le maximum pour être en accord avec la loi de chaque pays, et il y a beaucoup de pays qui ont des lois pour cela. 

Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup de variété au sein même de la diversité, parce que c'est un sujet culturel et chaque pays est différent. Il faut alors qu'on les prenne en compte pour créer une stratégie globale. 

 

🚀 Défi

Le défi, ce sont les biais inconscients. Si on met en place des programmes d'éducation et que l’on sensibilise, nous sommes toujours victimes de nos biais inconscients, donc on a toujours tendance à recruter, à promouvoir ses semblables. Notre grand combat, c'est que chaque personne puisse comprendre cela, et une fois qu'on est conscient, on peut agir. Maintenant, on est tous conscients, comment on fait pour changer les choses ?  Donc, c'est agir contre ces biais cognitifs qui nous empêchent d'être vraiment inclusifs. Il est là le grand combat.

 

🌟 Fierté

Je suis fière du programme fifty fifty fifty parce que cela a été un vrai challenge de le mettre en place. En plus, on a initié ce programme en pleine pandémie durant le premier confinement. C'est quand j'ai reçu le premier budget, en mai 2020, qu’on a initié les débats, l'animation. J'ai discuté avec chaque CEO dans un moment où ils étaient tous face à une crise sans précédent. Donc, pouvoir parler de ces sujets, c'était vraiment un grand défi et on a réussi. 

 

😨 Piège à éviter

Le piège à éviter c’est de penser que c'est un mouvement qui doit venir de tout en bas. Au contraire, c'est un mouvement qui doit venir d’en haut. Dans une organisation comme la nôtre, imaginer que ce sont les femmes qui vont changer les choses pour l'égalité des genres, c'est une erreur. Ce ne sont pas elles qui sont au pouvoir aujourd'hui. Il faut d'abord changer les hommes au pouvoir pour pouvoir faire émerger les femmes dans l'organisation. Pareil pour les autres minorités. Il faut changer les groupes comme il faut changer la mentalité de groupes dominants pour pouvoir faire émerger les minorités. 

 

💬 Citation inspirante

La devise de Coco Chanel : “Pour réaliser de grandes choses, il faut d'abord rêver.”
Si on ne rêve pas, on ne va pas très loin.