05/01/2023

"Le concept d’entreprise apprenante est tendance car il y a un sujet d'employabilité et de rôle social de l'entreprise."

 

Interview avec Valérie Delpit, Responsable du Département Formation et Relations Clients chez SNCF Réseau.

 

👉 Parcours personnel

Je travaille au sein de la direction information de SNCF Réseau et je m'occupe plus particulièrement des sujets politique formation et relations avec nos clients internes et externes. 

Après 12 ans dans le conseil, j’ai rejoint le groupe SNCF il y a 10 ans. Au départ sur des problématiques de recrutement et d'industrialisation du recrutement, et ensuite sur des problématiques plus larges touchant les politiques de l'emploi, les compétences et enfin, la formation depuis quatre ans. 

👀 Vision de l’entreprise apprenante

Une entreprise apprenante, c’est une entreprise qui permet à ses collaborateurs de se prendre en main. D'abord d'identifier et de connaître leurs compétences, puis de les accompagner sur le chemin de leur parcours de carrière. En d’autres termes, c'est mettre à leur disposition les moyens de leurs ambitions. Ce qui est le cas à la SNCF étant donné la nature des métiers qui n’ont pas ou peu d’équivalent , et d’autant plus chez SNCF Réseau compte tenu des particularités liées à l’infrastructure.  Ainsi, rentrer à la SNCF en tant que jeune diplômé, c'est apprendre un métier dans une entreprise très apprenante. 

Le concept d’entreprise apprenante est tendance car il y a un sujet d'employabilité et de rôle social de l'entreprise. La loi de 202018 est très explicite sur les moyens que l'entreprise doit mettre à disposition de ses collaborateurs. Et il revient au collaborateur d’avoir conscience de son rôle et de ses responsabilités dans son employabilité. On dit que 80% des métiers en 2030 n'existent pas encore. Chacun a son rôle à jour pour acquérir des compétences et évoluer dans ce futur.

 

🧠 Organisation opérationnelle

Au sein du groupe SNCF, il y a plusieurs universités. Il y a 4,5 ans chez Réseau, on a décidé de créer une seule et même direction formation dans laquelle on rassemble toutes les forces et on organise  toutes les ressources formation dédiées aux collaborateurs. C’est une entité qui réunit près de 300 personnes, dont plus de 200 formateurs permanents qui interviennent en majorité sur les formations au premier emploi car nous recrutons beaucoup. Il y a en outre environ 300 formateurs occasionnels qui interviennent essentiellement  sur la formation continue. Nous disposons d’outils, et en particulier d’un LMS. 

 

👫 Comment embarquer toute l’entreprise ?

La particularité chez nous, c’est que pour pouvoir exercer la majorité de nos métiers, il faut des habilitations sécurité. Donc, nos collaborateurs qui arrivent chez nous ne peuvent pas exercer s’ils n'ont pas été formés sous certaines conditions, et certifiés sous certaines conditions. Les nouveaux collaborateurs rentrent à la SNCF pour apprendre un métier, et les formations qui y sont associées sont obligatoires. Ensuite, on les embarque, on les incite à apprendre ou à réapprendre. On s'adapte aussi aux nouvelles modalités d'apprentissage. Et on a l’obligation de les faire réussir car c’est indispensable pour la continuité de nos chantiers. On recrute énormément, notamment sur des spécialités qui sont en tension. On a donc l'obligation de les embarquer jusqu'au bout.

Nos métiers sont soumis à beaucoup de normes de sécurité, les compétences de nos collaborateurs sont veillées en interne et en externe. Il y a des recyclages qui sont obligatoires aussi. 

 

💡 Outils et modalités

Quand on parle de métiers d'opérateur voies, d'opérateur caténaires, de techniciens de maintenance, de matériel, on est sur des métiers où le geste métier est important. Il y a effectivement des connaissances, on a eu tout un travail ces dernières années de refonte de nos cursus de formation initiale, il faut savoir que comme ce sont des métiers nouveaux pour les personnes qui entrent, ce sont des formations qui peuvent durer 6 mois jusqu'à 18 mois. Cela implique de maintenir le feu sacré et de donner de la perspective. Et en même temps, on s'adapte à leurs modalités d'apprentissage ; par exemple le LMS, c'est un outil  qui leur permet en amont d'avoir accès à des modalités plus ludiques qui leurs permettent aussi de faire ça quand ils le souhaitent, quand ils ont le temps.


En interne, on un studio, on crée des supports, on a le matériel qui permet de filmer, de faire des témoignages, de faire de l'ancrage mémoriel pour toutes ces phases amont. On peut aussi faire appel à des prestataires pour concevoir des e-learning pas uniquement cœur de métier, mais qui peuvent toucher, par exemple, des évolutions de la transformation culturelle qu'on souhaite apporter autour de la performance économique, autour du projet d'entreprise ou de l'anti-corruption. 

On s’est doté d’une plateforme “Voie d'avenir” que l’on a créé et qui couvre la vie de nos collaborateurs de leur entrée jusqu'à leur sortie. Cette dernière favorise les rituels apprenants avec un système de notifications et de pushs.  Cette plateforme permet l’onboarding jusqu'à la visite des campus de formation. Ensuite, il y a une partie “je me développe” où le collaborateur peut découvrir des parcours, se situer dans ses compétences, découvrir des métiers auxquels il peut prétendre.

 

🌈 Evolutions des pratiques eLearning

A la SNCF, les métiers sont très techniques, il y a une culture et une appétence particulière pour la complexité, on a tendance à vouloir trop en dire, et à croire qu’un e-learning de 2h est digeste.
Ce qu’on constate, c’est que les e-learning sont généralement des préalables aux formations cœur de métier, et c'est souvent à la dernière minute qu’ils sont suivis.

Les e-learning que l'on fait sont quelquefois très détaillés. Et en fait, on répond aussi à nos commanditaires internes. Il y a des notions et des connaissances qu'on peut difficilement faire passer en dix minutes. Et c'est très compliqué de faire entendre à un commanditaire interne que la capacité de mémorisation et d'attention est courte et il vaut mieux qu'elle soit sollicitée un peu plus fréquemment et sur des durées plus courtes. Pour l'instant, on se teste encore pas mal sur le sujet.

Après 2 ans de Covid, on a eu tendance à croire que tout faire en e-learning serait plus pratique, et c’est vrai mais pour nos métiers c’est indissociable du geste métier qu’il faut pratiquer en situation réelle. En fait, on murit aussi sur le sujet et on arrive à quelque chose de plus raisonné en termes de pratique.

 

Fiertés et succès.

La transformation de la SNCF, de la formation dans son ensemble, le projet en lui-même est un motif de fierté. D'une part parce que nous avons réussi à convaincre. Cela a été porté par le président !  Allouer une enveloppe de 100 millions pour moderniser notre appareil de formation qui était obsolète, et moderniser et construire les campus, c’était vraiment un bel investissement en faveur de l’entreprise et de ses collaborateurs. 

 

😨 Piège à éviter

Le piège à éviter est de vouloir tout passer en e-learning. Le geste est important et il convient notamment de l’évaluer, mesurer le risque dans un contexte où la sécurité prime.

 

💬 Citation inspirante

“Connais toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux”, une citation très RH…